« Ne substituons pas à la justice les pétitions, les réseaux sociaux et les plateaux des chaînes d’information »


La justice et la presse poursuivent la même aspiration : la manifestation de la vérité. Leurs deux légitimités s’entrechoquent autour de deux temporalités : le temps judiciaire, ponctué par les différentes étapes d’une procédure contradictoire et l’annonce d’un jugement qui prend parfois des années, et le temps médiatique, cristallisé en une fraction de seconde par l’image d’un célèbre acteur dont le comportement est manifestement outrageant ou l’annonce d’une garde à vue sur un bandeau « Urgent » diffusé sur une chaîne d’information en continu.

Le « vu à la télé », c’est un jugement moral sans appel qui se propage par cercles concentriques et par la viralité des réseaux sociaux. Au sein de ce prétoire virtuel, il n’y a pas de juge indépendant pour dire le droit, ni d’avocat pour assurer les droits de la défense. La foule numérique fixe ses propres normes dans un tribunal où l’opinion majoritaire impose la vérité de l’instant.

Exiger que la loi soit respectée

La peine doit alors être immédiate : les appels à la déprogrammation des films et au retrait de la légion de l’honneur pour consacrer « la chute de l’ogre » du cinéma français. A Sciences Po, un mur d’affiches aux couleurs du soleil couchant réclame une démission. Des procédures de retrait pour les uns, des promesses d’avenir pour les autres et une sanction immédiate pour tous, y compris pour la plupart des plaignantes qui ne recherchent pas la lumière et dont la finalité de la démarche est dévoyée.

Ces affaires sont très différentes tant du point de vue des comportements incriminés que du stade de la procédure judiciaire auquel elles se situent, mais à l’heure où chacun est sommé de choisir son camp par pétition interposée, il nous paraît essentiel d’affirmer qu’il est absurde d’opposer la lutte légitime contre les violences faites aux femmes et les principes essentiels de la justice pénale.

Combattre l’omerta à l’abri de laquelle ont pu prospérer des comportements outrageants et violents pendant des décennies n’est en rien incompatible avec le respect des règles du procès équitable. Bien au contraire, c’est en protégeant les garanties de l’Etat de droit que l’on renforce l’autorité des décisions rendues.

Alors, que faire ? Premièrement, exiger que la loi soit respectée. Toute personne tenue au secret de l’enquête est en principe, en cas de violation, passible de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende. L’article 434-7-2 du code pénal réprime en effet « le fait pour toute personne qui, en raison de ses fonctions, a connaissance (…) d’informations issues d’une enquête ou d’une instruction en cours (…) de révéler sciemment ces informations à des tiers ».

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Catégorie article Politique

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